Volume 1 : Au-delà de l’horizon : les intérêts et l’avenir du Canada dans l’aérospatiale – Novembre 2012

Partie 1
Mandat et processus de l'Examen

Le Canada est l'un des chefs de file mondiaux dans le secteur de l'aérospatiale. Son industrie aérospatiale est la cinquième en importance au monde en chiffres absolus — derrière les États-Unis, la France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne, et devant le Japon, la Russie, le Brésil et la Chine — et la deuxième plus grande par rapport à la taille de son économie, derrière les États-Unis.

Structure de l'industrie aérospatiale

Pour les besoins de l'Examen, l'industrie aérospatiale comprend trois segments :

  • L'aérospatiale civile comprend la conception, la fabrication et la vente des aéronefs commerciaux et de loisir, des systèmes et des pièces connexes ainsi que des simulateurs de vol civil.
  • L'aérospatiale militaire comprend la conception, la fabrication et la vente d'aéronefs utilisés par les forces armées, des systèmes et des pièces connexes ainsi que des simulateurs de vol militaire.
  • L'entretien, la réparation et la révision (ERR) comprend des services tels que l'entretien, les réparations, la remise à neuf, la modernisation des équipements et les modifications, tant pour les appareils civils que militaires.
Les activités des compagnies aériennes (sauf leurs divisions d'ERR) et les aéroports ne font pas partie du mandat de l'Examen.

Ce succès a grandement contribué à la prospérité, à la sécurité et au prestige international du pays. Et il devient encore plus important à une époque où l'innovation technologique et la diversification sont essentielles aux perspectives à long terme du Canada.

Figure 1 : Les grandes puissances mondiales de l'aérospatiale selon le revenu et le ratio production-PIB, 2010

Revenus de l'industrie de fabrication aérospatiale
En G$ US à la parité des pouvoirs d'achat
PIB de l'industrie de fabrication aérospatiale en proportion du PIB total
Figure 1a : Revenus de l'industrie de fabrication aérospatiale
Source : OCDE.
OCDE = Organisation de coopération et de développement économiques
G$ US = milliards de dollars américains
Figure 1b : PIB de l'industrie de fabrication aérospatiale en proportion du PIB total
Source : OCDE.
PIB = produit intérieur brut

Description de la figure

Deux diagrammes à colonnes figurent côte à côte. Le premier diagramme présente les revenus totaux de l'industrie de fabrication aérospatiale dans les six pays prédominants dans le secteur de l'aérospatiale en 2010. Les États-Unis ont enregistré de loin les revenus les plus élevés, qui s'établissaient à 191 milliards de dollars. Ils étaient suivis de la France (60 milliards de dollars), de l'Allemagne (29 milliards de dollars), du Royaume-Uni (22 milliards de dollars), du Canada (16 milliards de dollars) et du Japon (11 milliards de dollars). Tous les chiffres sont en dollars américains rajustés en fonction de la parité du pouvoir d'achat.

Le deuxième diagramme présente le produit intérieur brut (PIB) de l'industrie de fabrication aérospatiale en proportion du PIB total pour les six pays prédominants dans le secteur de l'aérospatiale en 2010. Les États-Unis affichaient le ratio le plus élevé, l'industrie de fabrication aérospatiale représentant 0,50 % du total de leur économie. Ils étaient suivis du Canada (0,49 %), du Royaume-Uni (0,42 %), de la France (0,35 %), de l'Allemagne (0,31 %) et du Japon (0,11 %).

Toutefois, l'évolution de la conjoncture mondiale, même si elle présente de nouvelles possibilités, crée des menaces sur le plan concurrentiel. Dans ce contexte plus exigeant en rapide évolution, le secteur canadien de l'aérospatiale a besoin de politiques et de programmes publics bien adaptés pour relever les défis et tirer parti des possibilités.

Les gouvernements canadiens portent depuis longtemps attention au secteur de l'aérospatiale, en raison des emplois de qualité qu'il crée et des innovations technologiques connexes, mais aussi des retombées directes et indirectes considérables qui en découlent. Leur participation montre par ailleurs qu'ils comprennent que le développement de produits aérospatiaux constitue une démarche complexe de grande envergure, qui exige des investissements colossaux en ressources et en temps — investissements pour lesquels les secteurs public et privé partagent souvent les risques et les avantages et peuvent obtenir des retombées considérables pour le pays. De plus, la volonté des gouvernements du Canada de participer constitue une réponse pragmatique à un monde où les gouvernements d'autres pays investissent couramment des sommes appréciables dans leur industrie aérospatiale nationale grâce à une myriade de mesures, dont certaines sont visibles, mais d'autres moins.

La reconnaissance de l'importance stratégique d'un secteur ne signifie toutefois pas que les politiques et les programmes destinés à l'appuyer devraient être soustraits à tout examen approfondi. En fait, l'évolution de la conjoncture fait en sorte qu'il est plus que jamais essentiel d'optimiser l'efficacité de ces politiques et de ces programmes — en stimulant l'innovation et en aidant l'industrie à faire face à la concurrence sur les marchés mondiaux.

Dans ce contexte, le gouvernement a annoncé qu'il entreprendrait « un examen exhaustif de l'ensemble des politiques et des programmes fédéraux axés sur le secteur de l'aérospatiale pour élaborer un cadre stratégique fédéral visant à maximiser la compétitivité de ce secteur exportateur et les retombées qui en découlent pour les CanadiensNote en bas de page 1 ».

L'Examen de l'aérospatiale a été annoncé officiellement le 27 février 2012. David Emerson, chef de l'Examen, a été épaulé par un conseil consultatif composé de Sandra Pupatello, de Jim Quick et de Jacques Roy.

Il a été déterminé d'emblée que l'Examen serait indépendant, fondé sur des données probantes et axé sur les tendances à long terme de l'industrie à l'échelle mondiale, qu'il serait ouvert aux approches et aux solutions novatrices mais pratiques, et qu'il viserait à formuler des recommandations concrètes et neutres sur le plan financier. Ce volume présente les constatations et les avis issus de l'Examen en ce qui concerne le secteur de l'aérospatiale. Le secteur de l'espace fait l'objet d'un volume complémentaire.

Pour les besoins de la recherche et de l'analyse, l'Examen s'est appuyé sur quatre sources d'information et d'avis.

Tout d'abord, en étroite concertation avec l'Association des industries aérospatiales du Canada, l'équipe de l'Examen a mis sur pied des groupes de travail dirigés par des représentants de l'industrie dans les domaines suivants :

  • développement, démonstration et commercialisation de la technologie;
  • accès aux marchés et développement des marchés;
  • approvisionnement public lié à l'industrie aérospatiale;
  • petites entreprises et développement de la chaîne d'approvisionnementNote en bas de page 2;
  • gens et compétences;
  • espace.

Les groupes de travail étaient composés de représentants de l'industrie, d'établissements d'enseignement supérieur et de recherche et de syndicats, ainsi que de fonctionnaires fédéraux agissant comme observateurs. Chaque groupe de travail a reçu un mandat précis accompagné d'une série de questions, et a tenu des discussions qui ont abouti à la préparation de rapports contenant des constatations et des avis à l'intention du chef de l'Examen. Les présidents et vice-présidents des groupes de travail n'étaient pas tenus d'obtenir un consensus, mais on les a encouragés à parvenir à l'accord le plus large possible entre les participants, et à veiller à ce que leurs conseils reposent sur des éléments probants et une analyse rigoureuse.

Deuxièmement, le chef de l'Examen et les membres du conseil consultatif ont pris part à une série de tables rondes, de réunions et de visites sur le terrain au Canada et dans les principaux pays où l'industrie aérospatiale est présente. Les réunions tenues au pays visaient principalement à comprendre la situation de l'industrie canadienne et à cerner quels étaient, selon elle, les politiques et les programmes efficaces et ceux qui ne répondaient pas aux attentes. Les réunions à l'étranger avaient pour but d'en apprendre davantage sur les pratiques exemplaires d'autres pays dotés de secteurs de l'aérospatiale et de l'espace dynamiques, et d'évaluer les possibilités et les défis nouveaux sur le plan concurrentiel afin de renforcer la collaboration et d'accroître la réussite commerciale.

Dans le cadre de voyages qui ont eu lieu principalement en groupe, le chef de l'Examen et les membres du conseil consultatif se sont rendus à Montréal, à Toronto, à Winnipeg, à Vancouver et à Halifax. Dans le cadre de voyages principalement individuels, ils se sont rendus aux États-Unis, au Royaume-Uni, en France, en Allemagne, en Chine, au Japon, en Russie et au Brésil.

Troisièmement, l'équipe de l'Examen a commandé à des spécialistes indépendants 16 études portant sur des sujets variés (voir l'appendice A), notamment l'incidence des tendances mondiales sur le secteur canadien de l'aérospatiale, les stratégies adoptées par différents pays pour favoriser le succès de leur industrie aérospatiale, les régimes de contrôle des exportations au Canada et à l'étranger, les besoins de financement des petites et moyennes entreprises aérospatiales, et les options pour faire face à l'incidence du caractère cyclique sur l'effectif hautement qualifié de l'industrie aérospatiale.

Enfin, l'équipe de l'Examen a invité les parties intéressées à présenter un mémoire (voir l'appendice B) sur son site Web. Elle a reçu environ 25 documents d'un large éventail d'organisations, d'entreprises, de chercheurs académiques et de citoyens.

La plupart des documents et des analyses découlant de ces quatre sources d'information et d'avis peuvent être consultés sur le site Web de l'Examen. Espérons qu'ils demeureront pendant un certain temps une importante source d'information et d'idées pour ceux qui s'intéressent à la configuration et à l'avenir des secteurs de l'aérospatiale et de l'espace.

En misant sur les quatre sources d'information, l'équipe de l'Examen s'est penchée sur la conjoncture actuelle et sur les tendances à long terme, et a analysé le rôle et le point de vue de tous les acteurs.

Son analyse a été guidée en partie par le principe selon lequel, dans une économie de marché, le sort de l'industrie est entre ses propres mains et qu'il faut soigneusement délimiter le rôle du gouvernement. Les politiques et les programmes publics peuvent favoriser des conditions qui aident les entreprises à prospérer — ce qui est bon pour les propriétaires, les employés, les actionnaires et l'économie nationale —, mais ils ne peuvent remplacer le sens des affaires ni l'esprit d'entreprise.

Le rôle du gouvernement à l'appui de l'industrie canadienne se concentre dans quelques domaines clés :

  • Appuyer la recherche-développement (R-D) qui est susceptible de ne pas donner de résultats commercialisables avant plusieurs années, mais qui pourrait servir grandement l'intérêt public, en partie grâce au partage du risque.
  • Améliorer le fonctionnement des marchés et le rendement des entreprises en facilitant la communication entre les entreprises dont les besoins et les capacités peuvent être complémentaires — au Canada et à l'étranger — ainsi qu'entre l'industrie et les établissements d'enseignement supérieur et de recherche.
  • Prendre des décisions en matière d'approvisionnement qui renforcent les industries nationales et, par le fait même, l'économie du pays tout en respectant les règles du commerce international et en faisant l'acquisition du meilleur produit à un coût raisonnable.
  • Protéger la population — et l'industrie — en veillant à ce que les produits canadiens soient sûrs et à ce que les technologies stratégiques ne tombent pas entre les mains d'États ou d'intérêts hostiles.
  • Améliorer l'efficacité du marché du travail en appuyant des établissements d'enseignement supérieur dynamiques qui comprennent les besoins de l'industrie et en facilitant le recrutement de personnes compétentes de l'étranger dans les domaines où le pays est aux prises avec une grave pénurie de compétences.
  • Permettre aux entreprises canadiennes de rivaliser à armes égales avec leurs concurrents sur la scène mondiale en négociant des règles du jeu équitables, en veillant à ce que ces règles soient respectées dans la pratique et en communiquant aux entreprises de l'information sur les marchés étrangers.
  • Fournir du financement à l'appui de l'achat de produits canadiens, pourvu que les modalités de financement soient avantageuses pour les contribuables et pour l'économie, et qu'elles s'inscrivent dans le cadre d'accords internationaux.

En ce qui a trait à la politique économique, on devrait délimiter clairement le rôle du gouvernement. Il est toutefois important que le Canada n'hésite pas à tirer le maximum des outils à sa disposition à l'intérieur des limites établies. Dans le monde entier, les activités du secteur de l'aérospatiale s'inscrivent dans un cadre complexe de mesures de soutien, de règlements et d'incitatifs, qui peut parfois s'avérer aussi essentiel pour le succès des entreprises que le génie créatif et le savoir-faire en marketing. Les entreprises aérospatiales canadiennes rivalisent avec des concurrents d'États déterminés à bâtir une industrie nationale en faisant des investissements considérables et en prenant un train de mesures à l'appui de leurs entreprises. Le Canada n'a pas besoin d'adopter toutes ces approches et il ne devrait pas le faire. Mais, pour soutenir la concurrence sur le marché mondial de l'aérospatiale, il faut réagir aux mesures prises par les autres pays.

Si le gouvernement est pleinement engagé et qu'il intervient de façon perspicace et ciblée, l'industrie aérospatiale canadienne pourra renforcer sa position et générer ainsi des retombées appréciables au chapitre de la sécurité nationale et de la performance économique et environnementale dans son ensemble. Faute de réagir et de s'adapter à l'évolution de la conjoncture mondiale, ce n'est pas le statu quo qui attend le pays, mais bien un déclin constant, des occasions importantes ratées, une diminution de sa capacité industrielle et d'innovation, une perte d'emplois de qualité dans la fabrication de pointe et la disparition graduelle d'une industrie qui contribue grandement à son bien-être.


Notes en bas de page

  1. 1 Gouvernement du Canada, Budget de 2011 : La prochaine phase du Plan d'action économique du Canada, Ottawa, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2011. (Retour à la référence de note en bas de page 1)
  2. 2 Ce groupe de travail a présenté deux rapports distincts, soit un sur les petites entreprises et un sur le développement de la chaîne d'approvisionnement. (Retour à la référence de note en bas de page 2)