Expériences des Premières Nations, des Inuit et des Métis avec le régime canadien de propriété intellectuelle : Sommaire exécutif d'un rapport de Stone Circle

24 avril 2016

Le présent rapport fournit une synthèse des réponses des répondants des Premières Nations, des Inuits et des Métis (PNIM) qui ont participé à l'étude de recherche qualitative sur leurs connaissances et leurs expériences en matière du régime canadien de propriété intellectuelle (PI).

Méthodologie

Stonecircle a eu recours à des contacts personnels et à divers moyens d'accéder à l'Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) à l'aide des bases de données interrogeables de l'OPIC sur les brevets, les marques de commerce, les droits d'auteur et les dessins industriels. Seize personnes (Premières Nations, Inuit, Métis et non autochtones) ont été interviewées dans le cadre de cette étude. Les répondants comprennent des musiciens, des artistes visuels, des auteurs, une fondation des Premières Nations, une bande des Premières Nations, un professeur d'université, des chefs d'entreprises autochtones, des producteurs de films et de musique, un consultant et une autorité scolaire des Premières Nations. Toutes les interviews ont été menées par téléphone en mars et au début d'avril 2016. Les chercheurs ont rencontré un certain nombre de limites et de défis, notamment :

  • Le manque de coordonnées actuelles, donc de la difficulté à trouver les personnes;
  • le manque de connaissance institutionnelle de la PI et par conséquent réticence à participer au processus;
  • le manque d'intérêt / la question n'est pas une priorité pour les répondants;
  • le répondant potentiel absent ou autrement indisponible pour une interview dans les paramètres de temps du projet.

Principales constatations

Connaissance et compréhension du régime canadien de PI

Toutes les personnes interviewées savaient ce que sont les droits d'auteur et 93 % avaient une bonne connaissance ou une certaine connaissance de ce qu'est un brevet. Les marques de commerce avaient également un niveau de sensibilisation de 93 %, mais davantage de personnes n'avaient qu'une « certaine connaissance ». Quarante-sept pour cent (47 %) des répondants n'avaient aucune connaissance des dessins industriels ou des secrets commerciaux.

En ce qui concerne les droits d'auteur, les répondants savaient que les documents écrits et enregistrés étaient soumis au droit d'auteur et que le droit d'auteur s'appliquait automatiquement à ces documents au Canada. Il y avait moins de sensibilisation à l'égard des éléments autres que les documents écrits et enregistrés qui sont soumis au droit d'auteur. En ce qui concerne les brevets, il semble y avoir une certaine confusion et un manque de compréhension de ce qu'est un brevet. Certains répondants ont dit à l'origine qu'ils savaient de quoi il s'agissait, mais ont ensuite été déroutés lorsqu'une liste de produits brevetables a été discutée. Il y a un manque de sensibilisation à l'égard de la différence entre les brevets et les dessins industriels. Un répondant n'était pas non plus sûr de savoir s'il était approprié de breveter certains articles parce que ceux-ci renfermaient des connaissances traditionnelles issues de la collectivité et que « ce n'est pas à lui de breveter le processus ». En ce qui concerne les marques de commerce, 87 % des répondants ont indiqué qu'ils possédaient des articles avec  marques de commerce, bien que seulement près de la moitié d'entre eux aient pris des mesures pour enregistrer leurs marques. La plupart des répondants ont indiqué que la manière dont les marques de commerce s'appliquent aux savoirs traditionnels ou aux savoirs culturels n'était pas claire et que le processus d'enregistrement d'une marque de commerce était peu connu. En ce qui concerne les dessins industriels, seuls 33 % savaient de quoi il s'agissait. À la demande, cinq répondants pensaient disposer d'une propriété intellectuelle pouvant être considérée comme un dessin industriel bien que rien n'indique qu'ils envisageaient d'enregistrer leurs dessins industriels par le biais du régime canadien de PI. En ce qui concerne les secrets commerciaux, à nouveau 33 % seulement savaient de quoi il s'agissait. Cinq répondants pensaient avoir des secrets commerciaux, mais ils étaient incertains quand on leur a présenté des définitions et des exemples, mais les cinq répondants ont déclaré avoir adopté d'autres approches telles que des accords de non-divulgation ou des approches axées sur la collectivité pour protéger leurs secrets commerciaux.

Engagement et utilisation du régime canadien de PI

Trois répondants ont répondu à des questions spécifiques sur les brevets. Leurs brevets sont les suivants : un drap amovible et un système de coussins imperméables, un système d'archivage et d'éducation linguistique sur Internet et divers accessoires et produits de curling. Dans les trois cas, les répondants ont déclaré que le processus d'enregistrement de leurs brevets prenait beaucoup de temps et d'argent. Deux répondants ont également indiqué qu'ils n'avaient pas la capacité financière d'appliquer le brevet si quelqu'un en abusait. Un des répondants poursuit actuellement deux personnes pour contrefaçon d'un brevet, mais il est possible qu'il ne puisse pas conclure les poursuites devant les tribunaux en raison des honoraires d'avocat.

Tous les répondants ont déclaré avoir élaboré une forme de matériel protégé par le droit d'auteur, 31 % d'entre eux ayant officiellement entrepris d'enregistrer leur droit d'auteur, tandis que d'autres ont compris qu'ils avaient un droit d'auteur, mais qu'ils n'avaient pas enregistré de droit d'auteur. Sur les cinq répondants qui avaient enregistré le matériel protégé par le droit d'auteur, 4 sur 5 ont embauché un tiers (avocat ou consultant). Neuf autres personnes ont été invitées à participer à une interview au sujet de leurs documents protégés par le droit d'auteur, mais ont refusé une interview, car c'était le tiers qui avait effectué l'enregistrement en leur nom et les personnes n'étaient pas à l'aise de parler des détails. La principale raison de l'enregistrement des droits d'auteur était de s'assurer que personne ne copiait leur travail, bien que la majorité ait déclaré qu'ils n'avaient constaté aucun avantage à protéger leurs œuvres par le droit d'auteur. Par exemple, après avoir enregistré un droit d'auteur pour une chanson, un répondant n'a vu aucune raison d'enregistrer le droit d'auteur, car elle était toujours protégée. Les deux répondants qui n'ont pas enregistré leur matériel protégé par le droit d'auteur ont déclaré que c'était parce que ce n'était pas une pratique courante et qu'ils n'en voyaient pas les avantages. Tous les répondants qui ont enregistré des documents protégés par le droit d'auteur ont déclaré que leur article était lié à la culture des Premières Nations, des Inuits et des Métis (PNIM) et qu'ils étaient plus soucieux de demander la permission et de suivre des protocoles et des processus traditionnels ou communautaires pour s'assurer que l'œuvre était présenté correctement.

Tous les répondants sauf un avaient mis au point une forme de PI pouvant être considérée comme une marque de commerce. Seulement 57 % des personnes ayant des marques de commerce avaient pris des mesures pour les enregistrer auprès de l'OPIC. Parmi eux, seulement 5 (31 %) estimaient disposer de connaissances suffisantes et ont accepté de répondre à des questions spécifiques sur les marques de commerce. Tous les répondants qui ont enregistré une marque de commerce ont déclaré l'avoir fait afin de promouvoir et de positionner sur le marché leur organisation, leur nom ou leur travail. Le coût était la principale raison invoquée pour ne pas enregistrer une marque de commerce et les coûts ultérieurs de protection de la marque de commerce par le biais du système juridique étaient considérés comme prohibitifs. Un exemple est le mot « inkameep » qui signifie « extrémité du lac » dans la langue de l'Okanagan. Ce terme a été utilisé sans le consentement de la collectivité et a été déposé en tant que marque de commerce par la province de la Colombie-Britannique et la Bande indienne d'Osoyoos a consacré beaucoup de temps et d'argent à recouvrer le droit d'utiliser ce mot traditionnel. Plusieurs répondants ont déclaré que le régime canadien de PI « n'était pas conçu pour protéger les connaissances traditionnelles des PNIM, qui sont souvent reflétées dans les œuvres d'art et les expressions culturelles traditionnelles ». Un répondant a enregistré une marque de commerce pour l'expression « Autochtone authentique » qui est devenue une marque que les artistes autochtones peuvent mettre sur leurs œuvres afin de démontrer que leurs œuvres sont authentiques.

Raisons d'utiliser le régime canadien de PI

  • Manque de compréhension. Certains répondants ont enregistré leur PI, car ils pensaient que c'était une exigence, ou ils ont mal compris le but ou les avantages.
  • Se fondant sur des conseils. Quelqu'un d'autre a enregistré en leur nom (généralement un avocat), de sorte qu'ils ne savaient pas vraiment pourquoi l'enregistrement avait eu lieu.
  • Retombées économiques. Certains répondants doivent enregistrer pour obtenir des subventions de divers organismes de financement (par exemple, des films et des vidéos) et d'autres ont indiqué que c'était le meilleur moyen de commencer à vendre leur produit au Canada et à en faire l'exportation.
  • Reconnaissance. Beaucoup de répondants ont enregistré leur PI parce que si quelqu'un voulait la copier, ils obtiendraient une mention de provenance et une reconnaissance appropriée serait donnée.
  • Empêcher les autres de faire l'œuvre protégée. La principale raison pour laquelle des mesures formelles ont été prises pour protéger leur PI était d'empêcher l'utilisation non autorisée ou l'appropriation de leur PI.

Raisons pour ne pas utiliser le régime canadien de PI

  • Autres systèmes. Les musiciens et les artistes demandent la protection de leur œuvre à des associations telles que la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) ou Le Front des artistes canadiens (CARFAC) plutôt que de l'enregistrer auprès de l'OPIC. D'autres veulent respecter les lois et protocoles autochtones en matière de protection de la PI et ne voient pas la nécessité de le faire au sein du système gouvernemental régulier. Dans un cas, une marque de commerce a été enregistrée afin d'avoir un recours légal pour les artistes autochtones possédant un bien culturel qui ne serait autrement pas protégé par le régime canadien de PI.
  • Manque d'avantages liés à l'enregistrement. Bien que davantage de titulaires de droits d'auteur et de brevets ne voient aucun avantage à enregistrer une PI que les titulaires de marques de commerce, tous les répondants estimaient que les coûts prohibitifs liés à l'enregistrement ou à la protection de leur PI l'emportaient sur les avantages découlant de l'enregistrement.

Défis

Les répondants ont mentionné un certain nombre de difficultés liées à l'utilisation du régime canadien de PI, notamment :

  • la perception qu'il est « destiné à profiter aux personnes éduquées et élites, pas aux PNIM »;
  • les PNIM manquent de confiance à l'égard des systèmes et processus gouvernementaux;
  • le manque de connaissances des avantages réels.

Considérations

  • Sensibilisation et promotion. Élaborer des initiatives de sensibilisation et de promotion propres aux Autochtones, comme des dépliants, des vidéos, un site Web, des webinaires, des communiqués d'intérêt public, des présentations de conférences et l'optimisation de la recherche sur le Web.
  • Améliorer la protection de la PI des peuples autochtones. Cela comprend le soutien aux initiatives de PI communautaires et l'établissement de partenariats avec celles-ci, la mise en œuvre de mécanismes d'application et l'élaboration de mesures législatives pour soutenir et protéger les droits de PI des PNIM.
  • Élaborer un programme d'éducation des consommateurs, pour informer les consommateurs des conséquences d'achats d'œuvres artistiques des PNIM qui ont été la cible d'appropriation.