Volume 2 : Vers de nouveaux sommets : les intérêts et l'avenir du Canada dans l'espace – Novembre 2012

Partie 3
Analyse et recommandations (suite)

Chapitre 3.1
Établir des priorités et des plans clairs

Les programmes publics se rapportant à l'espace doivent reposer sur des priorités soigneusement examinées, qui tiennent compte des besoins et des avis d'un large éventail d'utilisateurs et d'intervenants et qui sont concrétisées grâce à des plans rigoureux et à un financement stable.

Certes, l'établissement et le respect appropriés des priorités sont toujours nécessaires quand les gouvernements doivent faire des choix concernant l'utilisation de ressources publiques limitées, à plus forte raison quand chaque projet mobilise plusieurs intervenants et requiert beaucoup de temps et de ressources, une conception unique, un procédé de fabrication spécialisé et des essais rigoureux répétés tout au long du processus. L'absence de priorités et de plans clairs accroît les risques que des montants importants de fonds publics soient dépensés sans engendrer suffisamment de répercussions positives sur l'économie nationale, la sécurité et la prestation de services publics. Dans un secteur aussi important et complexe que l'espace, l'improvisation est coûteuse, inefficace et contre-productive.

Il est également important pour l'industrie que le programme spatial public ait une orientation précise, étant donné que le gouvernement demeure le principal client d'actifs spatiaux en dehors des télécommunications par satellite à usage commercial. Les entreprises ont besoin d'un niveau raisonnable de prévisibilité sur leur marché pour prendre des décisions commerciales judicieuses et utiliser adéquatement les fonds et les ressources nécessaires.

« Il est très difficile pour les acteurs de l'industrie canadienne, petits ou grands, de planifier les investissements en ressources financières et humaines, de maintenir la capacité après que l'aide d'un programme de l'État prend fin et avant que l'aide d'un autre programme commence, d'investir des montants considérables dans la [recherche-développement (R-D)] sans aucune certitude quant à savoir quels programmes de l'État, programmes de développement technologique et programmes de démonstration en vol seront mis en œuvre et quand ils seront lancés. L'industrie doit également comprendre l'orientation des politiques gouvernementales clés qui influent sur la compétitivité, comme les politiques régissant l'approvisionnement, le capital de risque pour la commercialisation de la R-D, le contrôle des exportations ou les données et les cadres réglementaires qui influent sur le secteur des services. […]

L'exécution des projets spatiaux s'étend généralement sur une période de deux à cinq ans, qui fait suite dans chaque cas à une période tout aussi longue d'analyse des besoins, de définition du concept ou du projet, ainsi que de définition et de développement de la technologie. Compte tenu de ce modèle, tous les projets ont besoin d'une planification à long terme et de communications continues entre les représentants du gouvernement, des universités et de l'industrie afin de maximiser le rendement de leur main-d'œuvre extrêmement compétente et de leurs installations de recherche et de fabrication spécialisées. »

Rapport final du Groupe de travail sur l'espace, septembre 2012.

Pour certains pays ayant un programme spatial d'une envergure comparable à celui du Canada, ces considérations ont débouché sur la révision des mécanismes de gouvernance s'appliquant aux activités spatiales. Ces changements visaient à accroître la participation des ordres de gouvernement les plus élevés à l'établissement des priorités générales des programmes, à encourager la coordination entre les ministères, à préciser les rôles des agences spatiales nationales et à faire participer plus activement le secteur privé. Ainsi :

  • Le Royaume-Uni a établi pour la première fois une agence spatiale, laquelle relève directement du ministre d'État (Universités et Sciences). C'est à elle qu'incombe la responsabilité globale de l'activité spatiale civile du pays financée par des fonds publics. Les ministères, les établissements de recherche, l'industrie et les organismes non gouvernementaux subventionnés par l'État menant des activités spatiales siègent au Space Leadership Council, qui fournit des avis au ministre et à l'agence sur les priorités nationales dans le domaine spatial.
  • Le Japon a créé un comité du Cabinet, présidé par le premier ministre et appuyé par un secrétariat spécial au sein de son Cabinet. Ce comité a pour mandat d'établir les priorités nationales dans le domaine spatial, de coordonner les activités spatiales au sein du gouvernement et de renforcer le rôle du secteur privé dans le programme spatial japonais. Le rôle de l'agence spatiale du pays, JAXA, a été clarifié : l'agence est responsable de la recherche, de la formulation d'avis et de la mise en œuvre, mais non de l'établissement de politiques.
  • Le Brésil a établi un conseil national sur la politique spatiale formé de ministres et dirigé par le président. Il a également renforcé le mandat de son agence spatiale afin d'établir les priorités du programme spatial du pays et de coordonner la concrétisation de ces priorités. Comme l'agence japonaise JAXA, l'Institut national de recherche spatiale du Brésil se consacre essentiellement à la recherche et à la mise en œuvre.

Figure 10 : Budget spatial de certains pays membres et non membres de l'OCDE en pourcentage du PIB, 2009

Figure 10 : Budget spatial de certains pays membres et non membres de l'OCDE en pourcentage du PIB, 2009

Description de la figure

Ce diagramme à barres horizontales présente le budget spatial de 26 pays membres et non membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 2009 en pourcentage du produit intérieur brut (PIB). Parmi ce groupe, la Suède disposait du budget spatial le moins élevé, soit 0,002 % du PIB, alors que les États-Unis avaient le budget le plus élevé (0,309 %). Le Canada arrivait en 15e position, avec un budget représentant 0,024 % du PIB. Il était devancé par les pays suivants (dans l'ordre décroissant de leur budget) : les États-Unis, la Fédération de Russie, la Chine, la France, le Japon, l'Inde, la Belgique, l'Allemagne, l'Italie, Israël, la Norvège, la Finlande, la Corée et le Luxembourg.

Source : OCDE.
OCDE = Organisation de coopération et de développement économiques
PIB = produit intérieur brut

Même si son programme spatial public a connu de nombreuses réussites et jouit d'une bonne réputation à l'étranger, le Canada peut s'inspirer des mesures prises par d'autres pays pour rehausser la priorité de l'espace, clarifier les responsabilités et assurer une meilleure gestion au sein de plusieurs programmes et ministères.

En réalité, au cours des 10 dernières années, tandis que d'autres protagonistes ont modernisé leurs programmes spatiaux en adoptant des stratégies nationales et en renforçant la gouvernance, les priorités du Canada étaient ambiguës, et la mise en œuvre laissait à désirer. Nous n'avons pas exprimé clairement et de manière générale ce que nous voulions faire dans l'espace ni comment nous comptions nous y prendre. Il n'existe aucun mécanisme clair pour gérer les activités spatiales au sein du gouvernement. Des projets comme la mission Constellation RADARSAT ont été annoncés, pour disparaître complètement, puis réapparaître par la suite. Le budget de l'ASC a été réduit, même si le Canada a pris de nouveaux engagements comme le prolongement de sa participation à la Station spatiale internationale jusqu'en 2020. De plus, la position dominante du Canada en ce qui a trait à des technologies clés comme la robotique spatiale et l'instrumentation optique est fragilisée, en partie en raison de la plus grande détermination d'autres pays à l'égard de leurs programmes spatiaux.

Il est indispensable de mettre en place un programme spatial canadien dynamisé et bien ciblé grâce à des objectifs clairs, d'obtenir un solide engagement soutenu des intervenants et un financement stable, et d'assurer une planification et une mise en œuvre plus rigoureuses.

Recommandation no 1 : Priorités du Programme spatial canadien

Le Programme spatial canadien parviendra mieux à promouvoir l'intérêt national et à fournir des services aux Canadiens s'il repose sur des priorités établies aux plus hauts niveaux après une consultation en bonne et due forme des pouvoirs publics, de l'industrie et des chercheurs. Dans l'ensemble, ces priorités devraient être stables, étant donné que le développement et le déploiement d'un actif spatial prennent plusieurs années et requièrent l'engagement soutenu de ressources publiques et privées.

Il est recommandé que le gouvernement reconnaisse explicitement l'importance des technologies et de la capacité spatiales pour la sécurité nationale, la prospérité économique et la croissance durable, et que le ministre de l'Industrie présente chaque printemps des priorités gouvernementales annuelles, quinquennales et décennales pour le Programme spatial canadien au Comité du Cabinet chargé des priorités et de la planification, dirigé par le premier ministre, aux fins de discussion et d'approbation.

Ces priorités devraient :

  • être établies à la lumière des avis des ministres de tous les portefeuilles intéressés, de concert avec les provinces et les territoires, l'industrie et les spécialistes d'établissements d'enseignement supérieur et de recherche; les avis proviendront en partie du conseil consultatif dont il est question à la recommandation no 2;
  • tenir compte des secteurs où les activités et actifs spatiaux peuvent avoir la plus grande incidence au chapitre de la défense des intérêts nationaux du Canada;
  • porter sur les activités et actifs civils et militaires;
  • cadrer avec les partenariats et engagements internationaux du Canada;
  • positionner l'industrie pour qu'elle tire pleinement parti des nouvelles possibilités, par exemple en renforçant la position dominante du Canada dans les créneaux technologiques;
  • être évaluées chaque année à la lumière de la nouvelle conjoncture.

Excepté s'il y a des faits nouveaux majeurs qui exigent un changement de cap, les priorités quinquennales et décennales devraient toujours demeurer cohérentes, tandis que les priorités annuelles devraient s'appuyer sur les priorités quinquennales et décennales et en tenir compte.

Une fois approuvées, les priorités devraient transparaître dans les mandats ministériels, étant entendu qu'un suivi soit effectué en temps opportun. Au besoin, les ministres devraient soumettre des propositions de projet plus détaillées aux fins d'approbation du Cabinet. Les priorités et projets approuvés devraient bien sûr orienter le processus d'établissement des budgets du gouvernement.

Pour aider l'industrie, les chercheurs et d'autres parties intéressées à planifier leur propre travail, un résumé des priorités et projets approuvés du Programme spatial canadien devrait être communiqué au Parlement et aux citoyens chaque année.

Même s'il existe de nombreux domaines sur lesquels le gouvernement pourrait souhaiter mettre l'accent dans son premier ensemble de priorités du Programme spatial canadien, les impératifs du développement et de la sécurité dans le Nord devraient presque certainement arriver en tête de liste. Les satellites et l'infrastructure terrestre connexe sont souvent les outils les plus efficients — et parfois les seuls — pour exploiter l'énorme richesse de la région, surveiller les conditions et répercussions environnementales, permettre les télécommunications entre les collectivités dispersées et la prestation de services de santé et d'éducation à ces collectivités, assurer la sécurité du transport aérien et maritime dans l'Arctique, protéger le périmètre du Nord, et affirmer la souveraineté canadienne.

Par ailleurs, le gouvernement devrait examiner, lorsqu'il établit des priorités, les façons de répondre aux besoins du pays en matière de capacité de lancement. Les secteurs public et privé du Canada font déjà face à des retards éventuels et à des coûts supplémentaires alors qu'ils attendent leur tour pour utiliser les lanceurs d'autres pays. L'accès à une capacité de lancement fiable deviendra plus important à mesure qu'on utilisera davantage les actifs spatiaux, notamment les petits satellites, pour répondre aux besoins du pays en matière d'économie, de sécurité et de prestation de services publics. S'il est vrai que le Canada pourrait difficilement assumer seul les coûts associés à la création d'une capacité de lancement, des efforts concertés avec des alliés ou nations proches aux prises avec les mêmes problèmes pourraient constituer un moyen d'assurer que les actifs canadiens se trouveront au début de la file de lancement au cours des décennies à venir.

Enfin, la première série de priorités devrait tenir compte de la façon dont le Canada utilisera pleinement et stratégiquement son droit d'accès aux laboratoires et à l'équipement de la Station spatiale internationale afin de faire avancer la recherche et le développement technologique de pointe au Canada.

Recommandation no 2 : Conseil consultatif

Les activités spatiales sont particulières. Elles requièrent le développement et le déploiement de technologies complexes souvent uniques dans un environnement hostile et inhospitalier où il n'existe pratiquement aucune deuxième chance ni possibilité de réparation et d'entretien. Par conséquent, l'expérience et les connaissances d'un large éventail de spécialistes sont nécessaires pour déterminer ce qui est faisable et souhaitable dans le contexte d'un programme spatial national.

La meilleure façon pour le gouvernement de recueillir ces avis consiste à asseoir à une même table des gens bien informés, qui exprimeront leur opinion de façon franche. Une telle approche peut réduire le nombre de discussions à organiser, améliorer la qualité des décisions et offrir des points de vue précieux sur les genres de compromis qui s'imposent dans un monde où les ressources sont limitées.

Il est recommandé que le gouvernement établisse un conseil consultatif canadien dans le domaine spatial qui relèvera du ministre de l'Industrie et dont les membres seront issus de l'industrie, des milieux académique et de la recherche, des provinces et territoires ainsi que des ministères et organismes fédéraux.

Le conseil consultatif devrait avoir pour mandat de formuler, à l'intention du ministre de l'Industrie, des avis sur les priorités et les plans du Programme spatial canadien, en tenant compte de facteurs comme :

  • les atouts actuels et éventuels de l'industrie spatiale et du milieu de la recherche canadiens dans des créneaux du secteur spatial;
  • les nouvelles technologies pouvant avoir des répercussions économiques positives grâce à un large éventail d'applications dans le secteur spatial et ailleurs;
  • les besoins en matière de prestation de services publics auxquels on pourrait répondre grâce à l'utilisation d'actifs spatiaux;
  • les possibilités de collaboration internationale à des initiatives spatiales.

Il importe que le conseil consultatif apporte des points de vue de l'extérieur du gouvernement et des quatre coins du pays. Il devrait par conséquent être présidé par une personne nommée qui soit neutre et extérieure à la fonction publique, et ses membres devraient inclure :

  • des représentants de l'industrie provenant de grandes, moyennes et petites entreprises;
  • des représentants des principaux programmes académiques et de recherche dans le domaine spatial;
  • des hauts responsables de l'ASC et des ministères et organismes fédéraux ayant des intérêts et des activités dans le domaine spatial, notamment ceux qui utilisent des satellites pour s'acquitter de leur mandat et ceux qui dirigent ou financent de la recherche dans le domaine spatial;
  • des hauts responsables des provinces et territoires intéressés par l'utilisation d'actifs spatiaux pour offrir des services dans leur province ou territoire.

Il pourrait être souhaitable que les hauts fonctionnaires participent aux discussions du conseil consultatif en tant que membres d'office, étant donné qu'ils ont à la fois la possibilité et l'obligation de fournir des avis stratégiques aux ministres par d'autres moyens.

Le Space Leadership Council de l'UK Space Agency

Le Space Leadership Council de l'UK Space Agency a été créé en réponse à une recommandation formulée par la Space Innovation and Growth Strategy (IGS), stratégie indépendante dirigée par l'industrie. L'IGS, lancée par le ministre des Sciences et de l'Innovation en 2009, a mené à un rapport final en 2010 qui définissait une stratégie sur 20 ans pour la croissance future de l'industrie spatiale britannique.

Le conseil est présidé conjointement par l'industrie et le gouvernement et est composé de hauts responsables de l'industrie, du milieu académique et de l'État. Il assume les tâches suivantes :

  • fournir des avis à l'agence spatiale sur son plan de travail et les possibilités futures;
  • offrir des avis sur les secteurs de l'activité spatiale où le Royaume-Uni devrait chercher à développer et à maintenir un leadership mondial;
  • promouvoir l'industrie spatiale du Royaume-Uni et son excellence scientifique dans la recherche, la technologie et les applications spatiales.

Source : UK Space Agency.

Recommandation no 3 : Gouvernance et mise en œuvre rigoureuses

L'orientation générale n'est utile que si elle est mise en œuvre adéquatement. Étant donné que les projets spatiaux sont compliqués et qu'ils présentent souvent des innovations sur le plan technologique, ils comportent un risque de faux départ et de détours inattendus. On sait par expérience que les grands projets spatiaux au Canada et à l'étranger ont souffert de problèmes de gestion, de dépassement de coûts et de non-respect des échéances. Dans un tel contexte, une gouvernance et une planification rigoureuses sont indispensables. Une fois que le Cabinet a montré le chemin à suivre, les ministères et organismes gouvernementaux doivent être bien organisés pour poursuivre dans la même voie.

Il est recommandé que soit créé un conseil de gestion du programme spatial au niveau des sous-ministres afin de coordonner les activités spatiales fédérales, que soient mises en place des ententes propres aux projets pour assurer une gestion rigoureuse, et que tous les ministères et organismes participant au Programme spatial canadien soient obligés de rendre compte de la façon dont ils mettent en œuvre les priorités établies par le Cabinet.

Un conseil de gestion du programme spatial formé de sous-ministres, avec à sa tête le sous-ministre de l'Industrie comme président et le président de l'ASC comme vice-président, devrait être chargé par le greffier du Conseil privé d'assurer la cohérence et la coordination des activités spatiales fédérales une fois que le Cabinet a approuvé les priorités. Le soutien et les avis au Conseil devraient émaner de l'ASC ainsi que des ministères dont relèvent les sous-ministres.

Le conseil devrait pour sa part mettre en œuvre des mesures pour s'assurer que les grands projets sont planifiés et menés à bien de la manière la plus rigoureuse qui soit. Il pourrait, par exemple, mettre en place des comités directeurs responsables d'un projet particulier, composés de représentants de l'ASC, de ministères et organismes fédéraux participant au projet, de gouvernements provinciaux et territoriaux intéressés et d'établissements de recherche. La participation à ces comités directeurs suivrait normalement le principe de l'utilisateur payeur : ceux qui financent un projet devraient avoir leur mot à dire sur la façon dont ce projet est conçu et mis en œuvre.

Pour fournir de l'information sur ces activités aux députés et aux citoyens et renforcer la reddition de comptes, les Rapports sur les plans et les priorités et les Rapports ministériels sur le rendement de l'ASC et de tous les ministères et organismes participant au Programme spatial canadien devraient préciser en détail comment ces organisations mettent en œuvre les priorités du Programme. Il faudrait tenir compte du respect adéquat des engagements dans le secteur spatial au moment d'évaluer le rendement des sous-ministres et des hauts dirigeants concernés.

Structure de gouvernance proposée pour le Programme spatial canadien
Structure de gouvernance proposée pour le Programme spatial canadien
Comité gouvernemental Rôle
Cabinet Établir des priorités gouvernementales annuelles, quinquennales et décennales pour le Programme spatial canadien sur l'avis du ministre de l'Industrie
Conseil consultatif canadien dans le domaine spatial Formuler des avis au ministre de l'Industrie sur les priorités et les plans du Programme spatial canadien
Conseil de gestion du programme spatial formé de sous-ministres Assurer la cohérence et la coordination des activités spatiales fédérales qui reflètent les priorités établies par le Cabinet

Recommandation no 4 : Financement prévisible

Dans un domaine où 10 ans peuvent s'écouler entre la conception d'un projet et sa mise en œuvre, des engagements financiers soutenus sont essentiels. L'incertitude budgétaire ne peut qu'amoindrir la valeur et accroître le risque pour les fonds publics, l'industrie privée et le milieu de la recherche.

La stabilité financière requiert la promesse explicite d'un soutien continu tant que les activités et les projets se déroulent comme prévu. Il ne s'agit pas d'un chèque en blanc : si des jalons n'ont pas été respectés, le gouvernement doit être en mesure d'exercer son pouvoir financier en tant qu'acheteur pour exiger un meilleur rendement. Cela ne signifie pas non plus que le gouvernement fédéral devrait assumer lui-même toutes les dépenses : étant donné le coût et la complexité des actifs spatiaux et les avantages de la collaboration, des modèles de financement à payeurs multiples conviendront souvent mieux que les modèles à payeur unique.

À l'intérieur de ces limites, toutefois, la prévisibilité du financement à long terme est essentielle à la gestion efficace et à la réussite d'un programme spatial national.

Il est recommandé que le financement de base de l'Agence spatiale canadienne soit stabilisé, en dollars réels, pour une période de 10 ans, qu'on ait recours à plusieurs sources au sein et à l'extérieur du gouvernement fédéral pour financer les grands projets et initiatives dans le domaine de l'espace, et qu'on continue d'accroître la collaboration internationale en vue de partager les coûts et les retombées de ces grands projets et initiatives.

Les sources de financement canadiennes pour les grands projets peuvent inclure :

  • l'ASC, dont le budget de base devrait lui permettre de contribuer modestement à chaque grand projet;
  • les ministères, organismes et organes de recherche fédéraux qui utiliseront l'actif ou l'initiative pour appuyer l'exécution de leur mandat;
  • les gouvernements provinciaux et territoriaux qui utiliseront l'actif ou l'initiative;
  • les établissements d'enseignement supérieur et de recherche qui souhaitent utiliser l'actif ou l'initiative comme plateforme de recherche;
  • les fabricants ou exploitants de l'actif, dans le cadre d'ententes de partenariat public-privé;
  • des affectations spéciales des coffres généraux de l'État, de la même façon que des affectations sont allouées à des projets d'infrastructure comme les ponts et les ports.

Figure 11 : Budget de base de l'Agence spatiale canadienne, de 2001-2002 à 2012-2013

Figure 11 : Budget de base de l'Agence spatiale canadienne, de 2001-2002 à 2012-2013

Description de la figure

Ce diagramme à colonnes présente l'évolution du budget de base de l'Agence spatiale canadienne de 2001-2002 à 2012-2013, en comparant le budget en dollars courants au budget en dollars constants de 2001. En dollars courants, le budget de base de l'Agence a atteint un sommet de 326 millions de dollars en 2001-2002 avant de chuter à 304 millions de dollars l'année suivante. Après avoir oscillé autour de 300 millions de dollars entre 2002-2003 et 2010-2011, le budget de base a diminué pour s'établir à 295 millions de dollars en 2011-2012 et à 286 millions en 2012-2013. En dollars constants de 2001, le budget de base de l'Agence a baissé constamment, passant d'un sommet de 326 millions de dollars en 2001-2002 à 229 millions de dollars en 2012-2013.

Sources : Agence spatiale canadienne, Statistique Canada.
Note : Le budget de base exclut le financement ponctuel au titre du Plan d'action économique du Canada ou pour les grands projets d'investissement.
Les dollars constants de 2001 sont calculés au moyen de l'indice des prix à la consommation, sur la base d'un taux d'inflation annuel de 2 % en 2012. Ils illustrent le pouvoir d'achat de l'Agence spatiale canadienne après prise en compte du coût croissant des produits et services au fil du temps attribuable à l'inflation annuelle.

La formule nationale de financement utilisée pour chaque projet devrait tenir compte de facteurs comme la nature du projet, la capacité et la volonté des utilisateurs éventuels de faire une contribution et la situation financière générale. Des affectations spéciales des coffres de l'État seront peut-être plus appropriées au début du cycle de vie du projet, quand les dépenses à engager risquent de dépasser la capacité de payer des utilisateurs, mais elles devraient diminuer au fil du temps. Cette formule serait conforme au schéma de financement de nombreux types d'infrastructure de base ou de développement.

Dans certains cas, la collaboration internationale sera cruciale pour la concrétisation d'un projet et son succès opérationnel à long terme. Depuis longtemps, le Canada travaille en étroite collaboration avec d'autres pays à des initiatives spatiales, ce qui lui a permis de renforcer sa visibilité et ses relations internationales, de faire reconnaître dans le monde entier les points forts de ses créneaux technologiques et d'avoir accès à des actifs de plusieurs milliards de dollars, comme la Station spatiale internationale et le rover Curiosity envoyé sur Mars, qu'il n'aurait jamais pu développer et fabriquer seul.

Partenariat avec l'Agence spatiale européenne

L'Accord de coopération Canada-Agence spatiale européenne permet aux entreprises spatiales canadiennes d'obtenir des contrats de l'Agence spatiale européenne (ASE) selon le principe du juste retour. Pour chaque dollar versé par le Canada aux programmes de l'ASE, les entreprises spatiales canadiennes peuvent obtenir un dollar en contrats de l'ASE.

Cette entente stimule l'innovation technologique et la compétitivité en offrant aux entreprises canadiennes un accès au marché spatial européen et en permettant la mise à l'essai des technologies grâce aux vols spatiaux. Dans l'ensemble, les entreprises canadiennes ont profité ou devraient profiter de 399 millions de dollars en recettes supplémentaires découlant des contrats de l'ASE et du travail de suivi.

Le logiciel de guidage, de navigation et de contrôle destiné aux satellites constitue un exemple de technologie élaborée dans le cadre de l'accord avec l'ASE. Ce logiciel, développé par NGC Aérospatiale, une entreprise du Québec, a été installé sur le satellite Proba-1 de l'ASE. Le logiciel prévoit à quel moment le satellite survolera une cible particulière, puis le place dans une position idéale pour la prise d'images. Avec l'aide de l'ASE, NGC a par la suite développé un logiciel de deuxième génération pour le satellite Proba-2. Ce logiciel permet au satellite de compenser les perturbations environnementales et d'éviter les interférences provenant de la Terre. Grâce à l'ASE, NGC a également eu la possibilité de tester en vol les technologies de guidage, de navigation et de contrôle pour les futures missions d'exploration et d'observation de la Terre. La technologie Proba est maintenant commercialisée au Canada et en Europe.

La réputation du Canada en tant que collaborateur fiable et expérimenté le place dans une position favorable pour renforcer sa collaboration avec :

  • les partenaires traditionnels que sont la NASA et l'ASE, lesquelles demeurent les plus grandes agences spatiales au monde;
  • les nouvelles puissances spatiales (et celles qui regagnent du terrain) comme la Russie, la Chine, l'Inde, le Brésil et le Japon. Lorsque le contrôle des exportations complique la collaboration avec ces pays, des efforts conjoints peuvent cibler les domaines non critiques pour la sécurité;
  • les membres du Conseil de l'Arctique, qui partageront probablement les intérêts du Canada pour le développement de satellites, de stations terrestres et d'une capacité de lancement de petits satellites afin d'appuyer le développement économique, la sécurité des transports, la prestation de services publics et la gérance de l'environnement dans les régions nordiques.